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De gauche à droite: M. Gabriel Carpentier, M. Jacques Huot, Mme
Esther Déom, Mme Hélène Lee-Gosselin et Mme France Bernier. |
Panel de discussion
Amorcé par un panel de discussion modéré et commenté respectivement par les professeures titulaires Esther Déom et Hélène Lee-Gosselin, trois panelistes se sont prêtés à l’exercice.
La paneliste France Bernier, co-directrice de l’Alliance de recherche universités-communautés (ARUC-Innovations, travail et emploi) et conseillère à la recherche à la Centrale des syndicats Québec (CSQ) a lancé la discussion en dressant un portrait statistique et historique du marché de l’Emploi des salariés couverts par la CSQ. Clairement marqué par une précarisation du travail et une recrudescence de l’emploi atypique entre la fin des années 1980 et 2007, les données de madame Bernier laissent entrevoir une féminisation du travail atypique. Sans dénier le fait que ses statistiques laissent entrevoir que les organisations semblent à la recherche de flexibilité, madame Bernier souligne que cette flexibilité ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des gens. Ainsi, selon cette dernière, les politiques publiques devraient contrer les disparités de traitement et sécuriser les parcours professionnels des travailleurs atypiques. Madame Bernier souligne l’importance des conventions collectives qui devraient, elles aussi, poursuivre la sécurisation des parcours professionnels, la dé-précarisation du travail et limiter les disparités de traitement pour les salariés.
Le panéliste Jacques Huot, directeur de l’axe oncologie au CHU de Québec est venu mettre en contexte l’apport des professionnelles et professionnels de recherche (PPR) à la recherche universitaire en centre affilié. Fier du travail des PPR avec lesquels il a collaboré, le docteur Huot rappelle que les PPR sont en quelque sorte la mémoire des laboratoires. Il les perçoit comme les gardiens des techniques des laboratoires et ils constituent, selon lui, une référence pour les étudiants de deuxième et troisième cycles. Le chercheur Huot a mis en lumière (1) le rôle de soutien dans les différentes tâches inhérentes à la recherche que les PPR offrent aux chercheurs et aux étudiants; (2) la contribution unique et déterminante des PPR au fonctionnement des laboratoires et (3) l’unicité que peut apporter un PPR dans le développement d’une équipe synergétique et gagnante.
De l’autre côté du prisme, le chercheur Huot a fait état du contexte systémique dans lequel s’inscrit la recherche, notamment le financement public de la recherche. Celui-ci suivant une pente descendante, le chercheur y voit un défi quant à la reconnaissance de la profession de PPR et souligne que les groupes tel que « Je suis Michèle » s’engageront possiblement, dans le défi de la reconnaissance de la recherche universitaire. Cette avenue sera-t-elle à explorer par les PPR?
Le panéliste Gabriel Carpentier, doctorant en médecine expérimentale a, quant à lui, amorcé sa présentation sur la note de la mise en garde à l’effet que trop souvent, les gens ont « l’assomption que la formation strictement académique est suffisante ». Or, inspiré de son cas, il semblerait que la réalité soit tout autre, et que l’expérience soit génératrice de plus de savoir qu’on ne le laisse croire. Sur cette prémisse, monsieur Carpentier a abordé le rôle d’accueillant que jouent les PPR en facilitant l’intégration des étudiants, ou le rôle de guide que jouent les PPR en orientant l’étudiant dans ses recherches, ou encore le rôle de conseiller que jouent les PPR en émettant des critiques constructives sur les travaux des étudiants. Tous ces rôles, tenus par les PPR, seraient sous-estimés à la tâche des PPR et occasionneraient aux PPR : (1) de la surcharge de travail, (2) des difficultés à atteindre les objectifs de recherche et (3) un sentiment de découragement professionnel. Selon monsieur Carpentier, les pistes de solutions pourraient passer notamment par la prise en compte du temps consacré à l’éducation par les PPR (eg. l’ajustement de l’horaire, la flexibilité par rapport aux objectifs de recherche et ultimement la création de postes spéciaux). Monsieur Carpentier a conclu en rappelant que les PPR jouent un rôle primordial dans la formation des étudiants, et ce à différents niveaux. Il ajoute que ce rôle de formateur est parfois sous-estimé, ce qui a des conséquences néfastes sur le milieu de la recherche académique et, enfin, qu’il serait avantageux de chercher à valoriser l’aspect formation de la profession de PPR.
Suite aux présentations, la commentatrice Hélène Lee-Gosselin a lancé la discussion en faisant état d’une dualité à l’effet que typiquement, le progrès exige des connaissances spécifiques, mais que naturellement, l’étudiant [et le PPR] arrivent dans le domaine de la recherche avec des connaissances génériques. Dès lors, l’investissement en capital humain fait par les chercheurs dans leurs PPR ou dans leurs étudiants devrait être retenu dans les groupes de recherche. Les professeurs-chercheurs, s’ils veulent voir venir, doivent, de plus en plus fréquemment, aller à la recherche de financement et pour ce faire, ils doivent s’attacher le personnel de recherche qui va réaliser la recherche.
Sous forme d’échange avec les panélistes, des pistes de réflexion furent mises de l’avant par les participants et panélistes. Dès lors, on retiendra :
- que certains PPR sont officiellement signataires des demandes de fonds de recherche et que cette avenue pourrait contribuer à faire connaitre la profession;
- que le C.V. des PPR pourrait être joint aux demandes de subvention, même si cela pourrait être considéré, par d’autres, comme farfelu;
- qu’il faudrait peut-être carrément changer la compréhension de la recherche universitaire en passant du format one man show, à celle d’équipe de recherche? Ainsi, la subvention serait accordée à l’équipe de recherche plutôt qu’uniquement au visionnaire;
- qu’une infrastructure humaine pourrait être mise en place à la manière des fonds spécifiquement dédiés à l’achat d’équipement, ce fonds d’infrastructure humaine pourrait être créé, soit par les universités, soit par les subventionnaires.
- certaines équipes font de très longs séjours ensemble alors que le métier de PPR serait une enclave de courte durée entre les études et l’emploi régulier;
- si tel est le cas, il serait normal que le PPR travaille à son projet, à maintenir ses publications sur ce qu’est sa passion, or, le PPR travaille sur le projet du chercheur et les passions du chercheur;
- l’investissement des chercheurs à construire des savoirs et des savoirs-faire devrait être retenu au sein des laboratoires alors que dans les faits, les PPR peuvent partir du jour au lendemain avec les pertes de capital humain qu’entraîne l’exode des savoirs.
Période d’échange sur l’avenir pour les PPR
La période d’échange sur l’avenir pour les PPR fut animée par monsieur Gaëtan Lafrance, professeur honoraire INRS-EMT (Institut national de la recherche scientifique - Énergie Matériaux Télécommunication) et auteur de Quel avenir pour la recherche?
C’est à la suite d’une présentation statistique portant sur l’état de la recherche au Canada et au Québec depuis les années 1970, que le professeur a amené les participants à s’exprimer sur le type de recherche que nous voulons nous donner.
Cette foi encore, plusieurs idées sont mises de l’avant par les participants. Sans en dresser une liste exhaustive, retenons :
- la création de planchers d’emploi;
- l’amélioration de la sécurité d’emploi lorsque la formation est élevée;
- l’ajustement des fonds de pension à la conjoncture des retraites tardives;
- le développement de l’avancement de carrière;
- L'incitation à l’investissement de l’industrie;
- L'incitation à l'investissement accru du secteur public et parapublic;
- la sécurisation du parcours professionnel ou la filière de carrière en négociant, eg. des passerelles si un PPR devient professeur ou même garantir des emplois de professeurs;
- l’incitation au perfectionnement par des congés sans solde ou des libérations du travail pour poursuivre des études doctorales;
- l’incitation à déployer des efforts d’imagination afin d’élargir le modèle de financement de la recherche en utilisant les idées novatrices telles que les coopératives de travail en recherche ou la formation de collectifs de recherche;
- le développement de collaborations intersyndicales entre les syndicats de professeurs et les syndicats de professionnels de recherche;
- la construction d’une banque de données où l’on pourrait suivre les parcours des PPR en vue de recherches futures;
- l’inclusion dans la Politique nationale de recherche et d’innovation (PNRI), de l’objectif de stabilisation des emplois de PPR;
- la mise en place de mécanismes de reconnaissance pour les PPR dédiés à la tâche sans pénaliser les gens qui ont une vie familiale ou personnelle;
- d’éviter de « jeter les gens qui ont une expérience »;
- l’allègement des coûts de la rémunération globale en faisant assumer les avantages sociaux aux universités, eg. en conventionnant cet objectif;
- l’embauche de professionnels de recherche par les départements de manière à supporter les chercheurs;
- l’information des responsables des politiques publiques des besoins en recherche;
- la création de conditions matérielles aussi avancées que dans l’entreprise privée;
- l’amélioration de l’arrimage entre le marché du travail et la formation de manière à éviter de laisser croire aux candidats que le retrait du diplôme de doctorat du CV peut favoriser les chances d’embauche;
- la reconnaissance des exercices de demandes de subventions faites en contexte non rémunéré, par exemple en période de chômage;
- la reconnaissance, par tous les organismes subventionnaires et par les universités, du droit de faire des demandes de subventions aux PPR.